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Autrefois, la Yougoslavie.

Aujourd’hui, des états souverains et quelques territoires en devenir. Une langue, des langues, proches. S’y promener, observer, découvrir, rencontrer, échanger, s’étonner, s’indigner parfois, au plus près des habitants. Essayer de comprendre surtout ; ce qui rassemble plutôt que ce qui divise, entendre les particularités des populations et des régions traversées.

Une dessinatrice-aquarelliste et un voyageur-écrivain, deux paires d’yeux avertis à « l’usage du monde » et néanmoins un regard neuf et étranger de visiteurs du temps qui passe, croque et raconte un présent qui se construit un avenir.

Copublication bilingue entre les éditions Sumatra (Serbie) et PLAN B éditions (France).

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À peine en mouvement, alors que la petite bâtisse de vente des billets s’éloigne doucement, je me rends compte que je voyage dos à la marche, comme dans une machine à remonter le temps, pour revisiter l’histoire.

La dame entre deux âges à notre côté dort déjà profondément.

À petite allure – mais ce train atteindra-t-il une grande vitesse ? – nous traversons la banlieue et les friches industrielles de Rakovica. Les usines qui produisaient pour un marché intérieur de 256.000 kilomètres carrés et 22 millions d’âmes, et pour l’exportation vers l’Afrique, le monde arabe et les pays non alignés, se sont retrouvées inutiles du jour au lendemain dans une Serbie de sept millions d’habitants.

Soudain, au milieu des usines désaffectées et des bâtiments dans l’attente de jours meilleurs, des ruches ! Bleues !

Un coup de corne prolongé, un grand signe de la main de la cheffe de gare – manifestement, elle et le machiniste s’apprécient... – un coup de trompe en réponse et le convoi s’ébranle ; à peine le temps de lire dans le guide Nagel de 1979 que Lazarevac, dont nous apercevons le bulbe d’une église, fut nommée ainsi en hommage au prince Lazar Hrebeljanović, héros et saint martyr de la bataille de Kosovo Polje en 1389, où lui-même – allié au roi de Bosnie Tvrtko – et son adversaire le sultan Mourad 1er trouvèrent la mort. La victoire des Turcs leur ouvrit les portes des Balkans qu’ils allaient occuper pendant plus de quatre cents ans.

À Valjevo, des squelettes de voitures, des carcasses de bus, de wagons de passagers ou de marchandises, posés çà et là au gré du moment où leur vie s’est arrêtée, « agrémentent » l’arrière-plan au-delà des voies. Quelques kilomètres plus loin, la montée commence, le paysage rétrécit, le roc gris apparaît à la sortie des tunnels de plus en plus fréquents, au milieu des arbres la gorge se creuse peu à peu, le wagon prend du gîte, la rivière turquoise se transforme progressivement en torrent, les routes en pistes de terre qui serpentent dans la forêt encore effeuillée, des restes de neige s’étalent à l’ombre des combes alors que le train s’approche de la frontière de la Bosnie à l’intérieur de laquelle il fera une brève incursion de neuf kilomètres sans même que l’on s’en aperçoive, sauf à ce que le roaming de nos téléphones se mette à hésiter dangereusement entre les opérateurs bosniens et serbes.

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Bar, ville d’environ 13 000 habitants, à 55 kilomètres de la capitale Podgorica. Ancienne résidence d’été du tsar Nicolas 1er. Jolie baie au pied des montagnes qui caractérisent cette partie du pays. Une de ces stations balnéaires de l’Adriatique au charme mélancolique l’hiver, petit paradis des bains de mer et des jeux de plage l’été, sans vraie réflexion urbanistique sur son commencement et sa fin, posée là par la topographie ou par inadvertance, qui n’attend que de se remplir de touristes, laissant le visiteur vagabonder alors qu’il s’aperçoit au gré de sa marche sur la promenade du bord de mer qu’il a quitté la ville sans s’en rendre compte. Des enfants courent sur la plage de galets. Au large, deux vraquiers à l’ancre. Quelques maisons bourgeoises style Mansart. Une grille de fer forgée ouvre sur un parc et un escalier en briques qui débouche sur un perron grand style aux deux candélabres encadrant un chapiteau sculpté surmonté d’un blason. D’imposants palmiers et une végétation luxuriante complètent ce tableau à la Fitzgerald. Manque juste l’hôtel Gausse*.

*Tendre est la nuit, Francis Scott Fitzgerald (Delamain et Boutelleau, 1951 pour la traduction française).

Itinéraires dans un pays... qui n’existe plus Vol. 1 Le Belgrade-Bar

Illustrations : Suzanne Aillot
Texte : Jean-François Galletout

Traduction : Tamara Valčić Bulić

Correctrice (du français) : Amandine Farges

Correcteur (du serbe) : Drasko Vuksanovic

Coordination : Muriel Chrétien
Maquette et composition : LG Ink & Aurel Châtenet

Copublication avec les éditions Sumatra (Serbie)

© PLAN B Éditions 2023

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